Un héritage commun de l’Orient & de l’Occident au Jeudi Saint

Le Jeudi Saint, le rit byzantin comme le rit ambrosien partagent la même organisation pour célébrer le mémorial du dernier Souper de Notre Seigneur : tous deux commencent par chanter les vêpres, sur lesquelles se greffent ensuite la messe. Le rit Romain, fidèle à un principe qui lui est propre durant toute l’année, dit les vêpres de ce jour immédiatement après la messe. Dans beaucoup d’usages médiévaux du rit romain (c’est le cas par exemple du vieux rit parisien), les vêpres étaient chantée à la communion de la messe du Jeudi Saint, la postcommunion servant d’oraison conclusive pour les vêpres.

La pièce majeure de la Divine Liturgie byzantine de ce jour est la grande entrée chantée durant l’offertoire (et reprise à la communion):

Τοῦ Δείπνου σου τοῦ μυστικοῦ, σήμερον Υἱὲ Θεοῦ, κοινωνόν με παράλαβε· οὐ μὴ γὰρ τοῖς ἐχθροῖς σου τὸ Μυστήριον εἴπω, οὐ φίλημά σοι δώσω, καθάπερ ὁ Ἰούδας, ἀλλ’ ὡς ὁ Λῃστὴς ὁμολογῶ σοι. Μνήσθητί μου Κύριε, ὅταν ἔλθῃς ἐν τῇ Βασιλείᾳ σου. Aλληλούια, αλληλούια, αλληλούια.

A ta Cène mystique, fais-moi participer en ce jour, ô Fils de Dieu. Je ne révèlerai pas ton mystère à tes ennemis ; je ne te donnerai pas un baiser comme Judas ; mais avec le larron, je te confesserai. Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton Royaume. Alléluia, alléluia, alléluia.

Cette même pièce a été traduite depuis une haute époque pour la messe ambrosienne de ce jour, & utilisée à la même place (sans le triple Alleluia final & en rendant μυστικοῦ par mirabili, admirable :

Cœnæ tuæ mirábili hódie, Fílius Dei, sócium me áccipis. Non enim inimícis tuis mystérium dicam: non tibi dabo ósculum, sicúti et Judas: sed sicut latro confiténdo te. Meménto mei, Dómine, in regno tuo.

Il ne faut pas se laisser abuser par le titre de cette pièce de la liturgie ambrosienne : l’Antiphona post Evangelium est en fait chantée au début de l’offertoire. En voici la musique :

Dans les paroisses byzantines russes, l’une des plus belles mises en musique de cette pièce est celle – somptueuse – réalisée par Alexei Lvov (1799 † 1870), qui succéda à son père en 1837 comme maître de la Chapelle Impériale de Saint-Pétersbourg.

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En fait, “A ton mystique banquet” n’est pas le seul offertoire du rit byzantin à avoir été en usage en Occident.

Pendant la grande entrée (l’équivalent donc de l’offertoire dans la liturgie latine), le rit byzantin n’utilise pendant l’année que quatre pièces différentes. La grande entrée du Samedi Saint, probablement la plus anciennes d’entre elles, provient de l’antique & vénérable liturgie de saint Jacques :

Que toute chair humaine fasse silence, et se tienne dans la crainte & le tremblement. Qu’elle éloigne toute pensée terrestre. Car le Roi des Rois & le Seigneur des Seigneurs s’avance, afin d’être immolé et se donner en nourriture aux fidèles. Les chœurs angéliques le précèdent, avec toutes les principautés, les puissances, les chérubins aux innombrables yeux & les séraphins aux six ailes, se voilant la face & chantant : Alléluia, alléluia, alléluia.

Selon certains chercheurs, cette pièce a été connue et peut-être utilisée par les rits gallicans, après la légation byzantine de 567, lorsque l’empereur de Constantinople donna une part de la Vraie Croix à la reine de France sainte Radegonde, pour son monastère de l’année.

Le Jeudi Saint, la grande entrée chantée, est, nous l’avons vu, “A ta Cène mystique”, utilisée donc également par le rit ambrosien.

Le reste de l’année, à l’exception des liturgies des Présanctifiés, la grande entrée byzantine est le fameux chant des chérubins, qui a été ajouté à la divine liturgie par l’empereur Justin II (565 – 578) :

Nous qui, mystiquement, représentons les chérubins, & chantons l’hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité, déposons maintenant tous les soucis du monde. Pour recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement porté par les anges, alléluia, alléluia, alléluia.

Au Moyen-Age, ce chant fut chanté en latin à l’offertoire de la messe romaine – entre autres – à l’Abbaye royale de Saint-Denis, nécropole des rois de France.

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En ces jours les plus saints de notre salut, s’il vous plait, merci de ne pas oublier de prier pour l’unité de l’Eglise, comme le fit Notre Seigneur lui-même en cette nuit, lorsqu’il pria pour que tous soient un.

VT VNVM SINT.

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