Vous êtes chanteurs ou instrumentistes et vous souhaitez vous engager au service de la liturgie traditionnelle, n’hésitez pas à nous rejoindre !

La Schola Sainte Cécile chante dans la basilique Saint-Pierre de Rome au Vatican

Nous offrons des cours de chant gratuits chaque samedi de 16h30 à 17h30 : travail du souffle, pose de voix, vocalises, découverte du chant grégorien et du chant polyphonique.

Les Petits Chantres de Sainte Cécile - maîtrise d'enfants

Votre enfant a entre 8 et 15 ans et souhaite chanter ? Inscrivez-le aux Petits Chantres de Sainte Cécile (filles et garçons). Répétitions le mercredi à 18h30 et le dimanche à 10h30.

Retrouvez les partitions que nous éditons, classées par temps liturgique ou par compositeur. Elles sont téléchargeables gracieusement.

Profitentes Unitatem : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour la fête de la Trinité

La prose Profitentes Unitatem était utilisée par l’Eglise de Paris pour le dimanche de la Très-Sainte Trinité, jour octave de la Pentecôte. Sa composition est due au fameux hymnographe Adam de Saint-Victor, le prince des poètes médiévaux, qui fut pré-chantre de la cathédrale de Paris avant de se retirer en l’Abbaye de Saint-Victor, où il mourut vers 1148.

Voici ci-après le chant de la prose Profitentes Vnitatem restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux. Ce chant est directement issu du plain-chant de l’Alleluia Verbo Domini cœli firmati sunt, du VIIIème ton, qui était employé par le rit parisien pour la fête de la Très-Sainte Trinité. Cette composition d’Adam de Saint-Victor a sans doute remplacé la vieille prose du IXème siècle Benedicta semper sancta sit Trinitas (que certains manuscrits parisiens gardent comme prose alternative pour la messe de la Trinité – cette dernière prose en revanche est modulée sur l’Alleluia Benedictus es, qui est dans les livres romains).

 

Prose Profitentes Unitatem à la sainte Trinité d'Adam de Saint-Victor

Prose Profitentes Unitatem à la sainte Trinité d'Adam de Saint-Victor

Prose Profitentes Unitatem à la sainte Trinité d'Adam de Saint-Victor

Livret imprimable au format PDF.

Texte & traduction par dom Guéranger :

Profiténtes Vnitátem
Venerémur Trinitátem
Pari reveréntia.
Confessons l’Unité divine,
Vénérons la Trinité
D’un culte pareil :
Tres Persónas asseréntes
Personáli differéntes
A se differéntia.
Reconnaissant trois personnes
Que distingue
Une personnelle différence.
Hæc dicúntur relatíve,
Cum sint unum substantíve,
Non tria princípia.
Elles reçoivent leur nom de leur relation,
Etant un substantivement,
Et non trois principes.
Sive dicas tres, vel tria :
Simplex tamen est usía,
Non triplex esséntia.
En employant pour elles le nombre de trois,
Tu dois reconnaître que leur nature est simple,
Que leur essence n’est pas triple.
Simplex esse, simplex posse,
Simplex velle, simplex nosse,
Cuncta sunt simplícia.
Etre simple, pouvoir simple,
Vouloir simple, savoir simple,
Tout y est simple ;
Non uníus quam duárum
Sive trium personárum
Minor efficácia.
La puissance d’une des personnes
N’est pas moindre que ne l’est
Celle de deux, ni celle de trois.
Pater, Proles, Sacrum Flamen,
Deus unus : sed hi tamen
Habent quædam própria.
Le Père, le Fils, l’Esprit Saint,
Un seul Dieu ; mais chacun
Possède ce qui lui est propre.
Una virtus, unum numen :
Unus splendor, unum lumen :
Hoc una quod ália.
Une seule vertu, une seule divinité,
Une seule splendeur, une seule lumière ;
Ce que l’un possède, l’autre le possède aussi.
Patri Proles est æquális,
Nec hoc tollit personális
Ambórum distínctio.
Le Fils est égal au Père,
Et la distinction personnelle des deux
N’enlève pas cette égalité.
Patri compar Filióque,
Spiritális ab utróque
Procédit connéxio.
Egal au Père et au Fils,
L’Esprit est le lien
Qui procède de l’un et de l’autre.
Non humána ratióne
Capi possunt hæ persónæ,
Nec harum discrétio.
L’humaine raison ne saurait
Comprendre ces trois personnes,
Ni la dissemblance qui les constitue.
Non hic ordo temporális,
Non hic situs aut locális
Rerum circumscríptio.
Là il n’y a ni succession de temps,
Ni lieu
Pour circonscrire la chose.
Nil in Deo præter Deum,
Nulla causa præter eum
Qui creat causália.
En Dieu, rien que Dieu ;
En lui, nulle cause que
Celle qui produit les êtres.
Effectíva vel formális
Causa Deus, et finális,
Sed numquam matéria
Dieu est cause effective et formelle,
Cause finale,
Mais jamais matière.
Digne loqui de persónis
Vim transcéndit ratiónis,
Excédit ingénia.
Parler dignement des divines personnes
Est au-dessus des forces de la raison,
Et dépasse le génie.
Quid sit gigni, quid procéssus,
Me nescíre sum proféssus:
Sed fide non dúbia.
Génération et procession dans la divine essence,
Je confesse que ma raison ne le saisit pas,
Mais ma foi le croit sans aucun doute.
Qui sic credit, ne festínet,
Et a via non declínet
Insolénter régia.
Que celui qui croit ne soit pas impatient,
Qu’il n’ait pas l’imprudence
De s’écarter de la voie royale.
Servet fidem, formet mores ;
Nec atténdat ad erróres
Quos damnat Ecclésia.
Qu’il garde la foi, qu’il règle sa vie,
Et n’ait aucun penchant
Vers les erreurs que l’Eglise condamne.
Nos in fide gloriémur,
Nos in una modulémur
Fídei constántia.
Glorifions-nous dans notre foi,
Que notre constance dans cette foi unique
Inspire nos chants mélodieux :
Trinæ sit laus Vnitáti,
Sit et simplæ Trinitáti
Coætérna gloria. Amen.
A l’unité en trois personnes soit l’éternel honneur !
A la Trinité dans l’essence simple,
Gloire coéternelle ! Amen.

Sources :

* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 273 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 319 v°.
* Missel de Saint-Denis du XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1107, f° 358 v°.
* A titre de comparaison : Prosaire de la cathédrale de Nevers de la seconde moitié du XIIèmeBibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Nouv. acq. lat. 3126, f° 95 r°.
* A titre de comparaison : Tropaire-prosaire de Saint-Martial de Limoges du XIIème-XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1139, f° 225 v°.
* A titre de comparaison : Processional-tropaire-prosaire à l’usage de Saint-Léonard, du diocèse de Limoges du dernier quard du XIIèmeBibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1086, f° 68 r°.

Simplex in essentia : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour le mercredi de l’octave de la Pentecôte

Alors que dans l’usage de Rome, la prose (ou séquence) Veni, Sancte Spiritus sert pour le jour de la Pentecôte & pour toutes les messes de son octave, l’ancien usage de Paris voyait chacune des messes de l’octave de la Pentecôte s’orner d’une prose différente chaque jour.

Voici comment Paris chantait les proses durant l’octave de la Pentecôte :

  1. Le dimanche de la Pentecôte : Fulgens præclara Paraclyti Sancti,
    subdivision d’une ancienne prose française de Pâques, antérieure à l’an 1000.
  2. Le lundi de la Pentecôte : Sancti Spiritus adsit nobis gratia,
    de Notker le Bègue (c. 840 † 912).
  3. Le mardi de la Pentecôte : Lux jucunda, lux insignis,
    d’Adam de Saint-Victor († 1146).
  4. Le mercredi de la Pentecôte : Simplex in essentia,
    d’Adam de Saint-Victor.
  5. Le jeudi de la Pentecôte : Qui procedis ab utroque,
    d’Adam de Saint-Victor.
  6. Le vendredi de la Pentecôte : Alma chorus Domini,
    composition anonyme française antérieure à l’an 1000.
  7. Le samedi de la Pentecôte : Veni, Sancte Spiritus,
    d’Etienne Langton (c. 1150 † 1228).

Il est notable que trois de ces proses soient des compositions de l’illustre hymnographe Adam, qui avant de finir ses jours dans l’abbaye de Saint-Victor, au pied de la Montagne Sainte-Geneviève, avait surtout été le préchantre de la cathédrale de Paris dès 1107 et jusque vers 1134. Les compositions d’Adam franchirent tôt les frontières du diocèse de Paris et se répandirent très vite dans toute l’Europe latine. Elles présentent toutes un ambitus vocal important, typique de l’école cathédrale de Paris, indice du très haut art vocal qui devait alors régner dans notre cité. De nombreuses proses furent par la suite modelés sur les rythmes & chants d’Adam, celle qui est parvenue jusqu’à nous est bien sûr le Lauda Sion de la Fête-Dieu, modulé par saint Thomas d’Aquin sur le Laudes crucis d’Adam de Saint-Victor.

La prose que nous choisissons de présenter ici le texte et le chant est celle du mercred dans l’octave de la Pentecôte pour l’Eglise de Paris : simplex in essentia, d’Adam de Saint-Victor. Elle était chantée le jeudi de Pentecôte à l’Abbaye de Saint-Victor de Paris, et le mardi de Pentecôte à sa fondation de l’Abbaye de Sainte-Geneviève de Paris.

Les textes liturgiques à l’Esprit Saint sont devenus au fil du temps relativement rares dans l’Eglise latine. A ce titre il peut être intéressant de redonner vie à cet ancien répertoire hymnographique médiéval de haute qualité tant spirituelle & théologique que musicale.

Voici le chant de la prose Qui procedis ab utroque restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux. Sa mélodie est calquée sur celle de la célèbre prose pascale Mane prima Sabbati (dont s’inspire aussi la séquence de la fête de Saint Denys) :

 

Prose Simplex in essentia au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Simplex in essentia au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Simplex in essentia au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Livret imprimable au format PDF.

Texte & traduction d’après une version française versifiée du XVème siècle :

Simplex in esséntia,
Septiformis grátia,
Nos refórmet, Spíritus.
Le Saint-Esprit, simple en essence,
Don de grâce en sept manières,
Nous réforme par sa présence.
Cordis lustret ténebras,
Et carnis illécebras
Lux emíssa cœlitus.
En muant ténèbres en lumières ;
De tout péché nous soit absence
Par ce don et par ce mystère !
Lex præcéssit in figúra,
Lex pœnális, lex obscúra,
Lumen Evangélicum.
La Loi fut avant en figure,
Loi pénible, loi trop obscure,
Mais l’Evangile est lumière.
Spiritális intelléctus,
Litteráli fronde tectus,
Pródeat in públicum.
Le spirituel entendement,
Couvert de lettre seulement,
Soit mis en commun pour matière !
Lex de monte pópulo,
Paucis in cœnáculo,
Nova datur grátia.
La Loi fut sur le Mont donnée :
La Grâce de Dieu fut donnée
A ces gens unis au Cénacle.
Situs docet nos locórum,
Præceptórum vel donórum
Quæ sit eminéntia.
Des dons, des commandements
Nous donnent enseignements
Leur siège et leur habitacle.
Ignis, clangor buccínæ,
Fragor cum calígine,
Lámpadum discúrsio,
Feu ardant, trompe, cri, frainte,
Obscurté, lampes ardants,
Ne sont pas amour, mais crainte
Terrórem incútiunt,
Nec amórem nútriunt,
Quem effúdit únctio.
Engendrée aux regardants :
Mais du Saint Esprit l’ointure
Répand en nous amour pur.
Sic in Sina
Lex dívina
Reis est impósita,
Ainsi fut la Loi donnée
En Sinai et imposée
De par la divinité :
Lex timóris
Non amóris,
Púniens illícita.
Loi de doute, & non d’amour,
Qui punissait chaque jour
Des mauvais l’iniquité.
Ecce patres præelécti,
Dii recéntes effécti :
Culpæ solvunt víncula.
Voici les pères élus,
Comme dieux nouveaux promus
Pour nos péchés déliant ;
Pluunt verbo, tonant nimis :
Novis linguis et doctrínis
Cónsonant mirácula.
Ils pleuvent, tonnent & accordent
Les personnes qui se discordent,
En parlant, œuvrant, menaçant.
Exhibéntes ægris curam,
Morbum damnant non natúram,
Persequéntes scélera.
Quant ils montrent la maladie,
La nature ne blâment mie,
Mais les péchés tant seulement.
Reos premunt est castígant :
Modo solvunt, modo ligant,
Potestáte líbera.
Les mauvais, des péchés, châtient,
Maintenant lient et délient,
Par leur puissance franchement.
Typum gerit jubiléi
Dies iste, si diei
Requíris mystéria :
De ce jour cherche le mystère
Il porte figure et manière
De ce jour-là de jubilée
In quo tribus míllibus
Ad fidem curréntibus,
Púllulat Ecclésia.
Durant lequel trois mille gens
Courants aux saints sacrements
L’Eglise fut augmentée.
Jubiléus est vocátus
Vel dimíttens vel murátus,
Ad prióres vocans status
Res distráctas líbere.
Jubilée, il est appelé,
Car le fautif est rappelé
Qui son état avait perdu ;
Nos distráctos sub peccátis,
Líberet lex charitátis
Et perféctæ libertátis
Dignos reddat múnere. Amen.
Et nous purgés d’iniquités,
Nous soit de Dieu par charité
Le don du Saint Esprit rendu ! Amen.

Sources :

* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 271 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 317 v°.

Lux iocunda, lux insignis : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour le mardi de l’octave de la Pentecôte

Alors que dans l’usage de Rome, la prose (ou séquence) Veni, Sancte Spiritus sert pour le jour de la Pentecôte & pour toutes les messes de son octave, l’ancien usage de Paris voyait chacune des messes de l’octave de la Pentecôte s’orner d’une prose différente chaque jour.

Voici comment Paris chantait les proses durant l’octave de la Pentecôte :

  1. Le dimanche de la Pentecôte : Fulgens præclara Paraclyti Sancti,
    subdivision d’une ancienne prose française de Pâques, antérieure à l’an 1000.
  2. Le lundi de la Pentecôte : Sancti Spiritus adsit nobis gratia,
    de Notker le Bègue (c. 840 † 912).
  3. Le mardi de la Pentecôte : Lux jucunda, lux insignis,
    d’Adam de Saint-Victor († 1146).
  4. Le mercredi de la Pentecôte : Simplex in essentia,d’Adam de Saint-Victor.
  5. Le jeudi de la Pentecôte : Qui procedis ab utroque,
    d’Adam de Saint-Victor.
  6. Le vendredi de la Pentecôte : Alma chorus Domini,
    composition anonyme française antérieure à l’an 1000.
  7. Le samedi de la Pentecôte : Veni, Sancte Spiritus,
    d’Etienne Langton (c. 1150 † 1228).

Il est notable que trois de ces proses soient des compositions de l’illustre hymnographe Adam, qui avant de finir ses jours dans l’abbaye de Saint-Victor, au pied de la Montagne Sainte-Geneviève, avait surtout été le préchantre de la cathédrale de Paris dès 1107 et jusque vers 1134. Les compositions d’Adam franchirent tôt les frontières du diocèse de Paris et se répandirent très vite dans toute l’Europe latine. Elles présentent toutes un ambitus vocal important, typique de l’école cathédrale de Paris, indice du très haut art vocal qui devait alors régner dans notre cité. De nombreuses proses furent par la suite modelés sur les rythmes & chants d’Adam, celle qui est parvenue jusqu’à nous est bien sûr le Lauda Sion de la Fête-Dieu, modulé par saint Thomas d’Aquin sur le Laudes crucis d’Adam de Saint-Victor.

La prose que nous choisissons de présenter ici le texte et le chant est celle du mardi dans l’octave de la Pentecôte pour l’Eglise de Paris : Lux iocunda, lux insignis, d’Adam de Saint-Victor. Elle était chantée le lundi de Pentecôte à l’Abbaye de Saint-Victor de Paris, et à sa fondation de l’Abbaye de Sainte-Geneviève de Paris.

Les textes liturgiques à l’Esprit Saint sont devenus au fil du temps relativement rares dans l’Eglise latine. A ce titre il peut être intéressant de redonner vie à cet ancien répertoire hymnographique médiéval de haute qualité tant spirituelle & théologique que musicale.

Voici le chant de la prose Qui procedis ab utroque restitué par nous d’après les anciens missels parisiens médiévaux :

 

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Lux iocunda, lux insignis au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Livret imprimable au format PDF.

Texte & traduction par dom Guéranger :

Lux iocúnda, lux insígnis,
Qua de throno missus ignis
In Christi discípulos,
Une lumière joyeuse, éclatante, un feu lancé du trône céleste sur les disciples du Christ,
Corda replet, linguas ditat ;
Ad concórdes nos invítat
Cordis linguem módulos.
Remplissent les cœurs, fécondent les langues, et nous invitent à unir dans un concert mélodieux & nos langues & nos cœurs.
Christus misit quod promísit
Pignus sponsem quam revísit
Die quinquagésima.
Le gage que le Christ avait promis à son Epouse, il le lui envoie au cinquantième jour ;
Post dulcórem mélleum
Petra fudit óleum
Petra iam firmíssima.
Devenu ferme comme un rocher, Pierre répand dans ses discours le miel le plus doux, l’huile la plus généreuse.
In tabéllis sáxeis,
Non in linguis ígneis,
Lex de monte pópulo.
Sur la montagne, l’ancien peuple reçut la loi, non dans des langues de feu, mais gravée sur la pierre ;
Paucis cordis nóvitas,
Et linguárum únitas
Datur in cœnáculo.
Dans le Cénacle, un petit nombre d’hommes reçoit un cœur nouveau, & revient à l’unité des langues.
O quam felix, quam festíva
Dies in qua primitíva
Fundátur Ecclésia.
O jour heureux, jour solennel, où l’Eglise primitive est fondée !
Vivæ sunt primítiæ
Nascéntis Ecclésiæ,
Tria primum míllia.
Trois mille hommes sont les prémices de cette Eglise à sa naissance.
Pane Legis primitívi,
Sub una sunt adoptívi
Fide duo pópuli.
Les deux pains offerts en prémices dans la loi, figuraient les deux peuples adoptés en ce jour dans une même foi :
Se duóbus interiécit :
Sicque duos unum fecit :
Lapis caput ánguli.
La pierre placée à la tête des l’angle s’interpose entre les deux, & des deux ne fait plus qu’un seul peuple.
Utres novi non vetústi
Sunt capáces novi multi,
Vasa parat vídua.
De nouvelles outres, non plus les anciennes, sont remplies d’un vin nouveau : la veuve prépare ses vases,
Liquórem dat Helisæus,
Nobis sacrum rorem Deus,
Si corda sint cóngrua.
Tandis qu’Elisée multiplie l’huile en abondance : ainsi Dieu répand aujourd’hui la céleste rosée, autant qu’il trouve de cœurs préparés à la recevoir.
Non hoc musto vel liquóre,
Non hoc sumus digni rore,
Si discórdes móribus.
Nous ne serions pas dignes de recevoir ce vin précieux, cette rosée divine, si notre vie était déréglée :
In obscúris vel divísis
Non potest hæc Paraclísis
Habitáre córdibus.
Ce Paraclet ne saurait habiter dans des cœurs remplis de ténèbres ou divisés.
Consolátor alme veni :
Linguas rege, corda leni :
Nihil fellis aut venéni
Sub tua præséntia.
Viens donc à nous, auguste Consolateur ! gouverne nos langues, apaises nos cœurs : ni fiel, ni venin n’est compatible avec ta présence.
Nil iocúndum, nil amœnum,
Nil salúbre, nil serénum,
Nihil duce, nihil plenum,
Nisi tua grátia.
Sans ta grâce, il n’est ni délice, ni salut, ni sérénité, ni douceur, ni plénitude.
Tu lumen es & unguéntum :
Tu cœléste condiméntum,
Aque ditans eleméntum,
Virtúte mystérii.
Tu es lumière et parfum ; tu es ce principe céleste qui confère à l’élément de l’eau une puissance mystérieuse :
Nova facti creatúra :
Te laudámus mente pura,
Grátiæ nunc, sed natúra
Prius iræ fílii.
Nous qui sommes devenus une création nouvelle, d’abord enfants de colère par nature, maintenant enfants de la grâce, nous te louons d’un cœur purifié.
Tu qui dator es & donum,
Tu qui cordis omne bonum,
Cor ad laudem redde pronum,
Nostræ linguæ formans sonum
In tua præcónia.
Toi qui donnes et qui es en même temps le don, toi qui verse sur nous tous les biens, rends nos cœurs capables de te louer, forme nos langues à célébrer tes grandeurs.
Tu purga nos a peccátis,
Author ipse puritátis,
Et in Christo renovátis
Da perféctæ novitátis
Plena nobis gáudia. Amen.
Auteur de toute pureté, purifie-nous du péché : renouvelle-nous dans le Christ, & fais nous goûter la joie entière que donne à l’âme la vie nouvelle. Amen.

Sources :

* Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 270 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 316 v°.
* A titre de comparaison : Tropaire-prosaire de Saint-Martial de Limoges du XIIème-XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1139, f° 225 v°.

Séquence de saint Martin – Adam de Saint-Victor

Gaude Sion - prose d'Adam de Saint-Victor pour la fête de saint Martin

Gaude Sion - prose d'Adam de Saint-Victor pour la fête de saint Martin

Gaude Sion - prose d'Adam de Saint-Victor pour la fête de saint Martin

Source : Abbe E. Misset & Pierre Aubry, Les proses d’Adam de Saint-Victor – texte & musique précédées d’une édition critique. Paris, H. Welter, 1900, p. 311-313.

Cette prose est due au célèbre hymnographe parisien Adam de Saint-Victor (c. 1112 † c. 1192), préchantre de la cathédrale de Paris, principal auteur du répertoire parisien des séquences dont il a renouvelé le genre en leur conférant une ampleur musicale et une richesse spirituelle par les images théologiques abordées. Ce répertoire victorin s’est très vite diffusé dans toute l’Europe Occidentale, on en chantait les séquences dès le XIIIème siècle à Palerme, Zagreb, Aix-la-Chapelle ou Dublin.

En voici une version moderne, sur le très beau plain-chant que l’Abbé d’Haudimont – maître de chapelle de la cathédrale de Châlons-sur-Saône puis de Notre-Dame de Paris et de Saint-Germain L’Auxerrois (avant 1790) – avait composé pour une autre séquence d’Adam de Saint-Victor, celle de la dédicace – Jerusalem & Sion filiæ –.

Le texte en est légèrement différent.

Prose de saint Martin - chant de l'Abbé d'Haudimont

Prose de saint Martin - chant de l'Abbé d'Haudimont

Prose de saint Martin - chant de l'Abbé d'Haudimont

Gaude, Sion, quæ diem récolis,
Qua Martínus, compar Apóstolis,
Mundum vincens, junctus cœlícolis
Coronátur.

Hic Martínus, pauper et módicus,
Servus prudens, fidélis víllicus,
Cœlo dives, civis angélicus,
Sublimátur.

Hic Martínus, jam catechúmenus
Nudum vestit, et nocte prótinus
Insequénti, hac veste Dóminus
Est indútus.

Hic Martínus, spernens milítiam
ínimicis inérmis óbviam
Ire parat, baptísmi grátiam
Assecútus.

Hic Martínus, dum offert hóstiam,
Intus ardet per Dei grátiam:
Supérsedens appáret étiam
Globus ignis.

Hic Martínus, qui cœlum réserat,
Mari præest et terris ímperat,
Morbos sanat et monstra súperat,
Vir insígnis.

Hic Martínus, nec mori tímuit,
Nec vivéndi labórem réspuit,
Sicque Dei se totum tríbuit
Voluntáti.

Hic Martínus, qui nulli nócuit,
Hic Martínus, qui cunctis prófuit,
Hic Martínus, qui trinæ plácuit
Majestáti.

Hic Martínus, qui fana déstruit,
Qui gentíles ad fidem ímbuit,
Et de quibus eos instítuit
Operatur.

Hic Martínus, qui tribus mórtuis
Méritis dat vitam præcípuis,
Nunc moméntis Deum contínuis
Contemplátur.

O Martíne, pastor egrégie,
O cœléstis consors milítiæ,
Nos a lupi deféndas rábie
Sæviéntis.

O Martíne, fac nunc quod gésseras,
Deo preces pro nobis ófferas,
Esto memor, quam nunquam déseras
Tuæ gentis.

Amen.

Prose parisienne de la sainte Tunique d’Argenteuil : Plebs pistica prome laudes

Séquence de la sainte Tunique d'Argenteuil

Séquence de la sainte Tunique d'Argenteuil

Séquence de la sainte Tunique d'Argenteuil

1. Plebs pística, prome laudes,
Redemptóri cujus gaudes
Hábitu digníssimi.
A ton Sauveur, peuple fidèle,
Chante une louange éternelle
Pour son vêtement précieux.
2. Fide firma per quem audes
Hostíles víncere fraudes
Agréssu tutíssimo
Tous les démons tu pourrais vaincre
Si la foi te pouvait convaincre
Que c’est l’habit du Roi des Cieux.
3. Vestis hæc est manuále
Matris opus virginále,
Actum sine súttura.
C’est la Tunique sans couture
Que la Vierge, Mère très pure,
A faite de ses propres mains.
4. Corpus tegit filiále,
Donec débitum mortále
Ferre pro creátura.
Son Fils en couvrit sa chair tendre
Jusqu’au jour qu’on lui fit répandre
Le sang qui sauva les humains.
5. O mirándum vestiméntum,
Cujus actas dat augméntum
Ab ejus infántia.
O vêtement inestimable
Qui d’une manière ineffable
Croissait autant que le Sauveur.
6. Simul sumunt increméntum,
Nullum vestis nocuméntum
Gerens, labis néscia.
Il s’en est servi sans le rompre,
Et les temps ne l’ont pu corrompre
Depuis cette insigne faveur.
7. Hanc Judæi rapuérunt
Et sortem super misérunt
Noléntes pártiri.
Les soldats prirent ce saint gage,
Et n’en firent aucun partage,
Mais ils le jetèrent au sort.
8. Nam, quod vates prædixérunt,
Hæc ignári perduxérunt
Efféctum sórtiri.
Sans le savoir ils accomplirent
Ce que les Prophètes prédirent
De ce Dieu qu’ils mettraient à mort.
9. Quam ab oris gentílium
Imperátor fidélium
Karólus extráxit,
Charlemagne enfin le retire
Des lieux où sous un dur empire
Gémit à présent le chrétien.
10. Regno gestánte lílium
Per virtútis auxílium
Hæc famam protráxit.
Pour lors, cet habit dans la France
Fit connaître par sa puissance
Qu’il en est le plus fort soutien.
11. Ab argénto sumpsit nomen
Oppidum, quo dedit numen
Sacram collocári,
Argenteuil est l’heureuse ville
Où Dieu, comme dans un asile,
Veut que l’on garde ce trésor.
12. Ubi gratis dat juvámen
Christicólis hoc velámen,
Dignum decorári.
Là les chrétiens dans leur misères
Reçoivent des biens salutaires,
Beaucoup plus précieux que l’or.
13. Guérrarum per interválla
Vestis muro latens illa
Stat nullo sciénte.
Mais pendant une longue guerre
Dans le sein d’un mur on le serre
Et le temps le met en oubli.
14. Unde fulgent mirácula,
Monachórum orácula
Angelo ducénte.
Ensuite on y voit des miracles,
Un saint moine entend des oracles,
Et l’y retrouve enseveli.
15. O quam certa probátio,
Indiscréta devótio
Milíti frangénti,
La preuve de cette merveille
Est l’imprudence sans pareille
D’un soldat tout prêt d’en couper.
16. Cui vitæ sedátio
Fuit & restaurátio
Reátum lugénti.
Pour sa faute un grand mal l’afflige ;
Il s’en repent à ce prodige,
Et Dieu cesse de le frapper.
17. Vt fore Christi túnicam,
Quam mater egit únicam,
Fidélis confídat,
Ainsi sans douter de l’histoire,
Croyons que la Reine de gloire
A fait cette Robe à son Fils.
18. Gratiárum mirifícam
Et nostræ precis amícam
Hanc nullus diffídat.
Que nul chrétien ne s’en défende,
Mais que plutôt il en attende
Des faveurs qui n’ont point de prix.
19. Quam coléntes post mortálem
Stolam Christus immortálem
Det ferre núptiis.
Afin que sa robe mortelle
Lui soit changée en immortelle
Aux noces du céleste Epoux,
20. Perdúcens ad triumphálem
Collætántes Hierusalém
Summis delíciis. Amen.
Où le conduisant qu’il lui donne
Une triomphante couronne
Et part aux plaisirs les plus doux. Amen.

Cette prose fait partie de la messe votive de la Sainte Tunique, qui fit son entrée dans le Missale Parisiensis Ecclesiæ de l’an 1505 sous l’épiscopat d’Etienne Poncher, et y resta environ un siècle avant de disparaître dans l’édition de 1602 d’Henry de Gondy. Cette messe de la Sainte Tunique – avec sa séquence – continua toutefois de rester en usage dans le monastère d’Argenteuil qui conservait la précieuse relique de Notre Seigneur. La traduction française versifiée ci-dessus est l’œuvre d’un mauriste de cette abbaye au XVIIIème siècle.

Si le texte de cette séquence est connue par différents missels, sa musique en est probablement hélas perdue (nous n’avons pas repéré de graduel parisien suffisamment complet du XVIème siècle qui contienne la musique de cette messe votive ; la destruction du monastère d’Argenteuil sous la révolution a dispersé ses archives ; les archives musicales de la paroisse d’Argenteuil ne la conservent pas). Pour pouvoir la rechanter à l’occasion de l’ostension extraordinaire qui eut lieu cette année 2016 à Argenteuil, nous avons simplement adapté et centonisé les mélodies de proses parisiennes similaires composées par Adam de Saint-Victor (à noter que la construction prosodique de la séquence de la Sainte Tunique est originale, aussi sa musique originelle devait-elle être propre et non modulée sur un modèle préexistant, comme le Lauda Sion est modulé sur le Laudes Crucis attollamus d’Adam de Saint-Victor). Comme plusieurs personnes l’ayant entendue à Argenteuil nous ont demandé cette musique, nous mettons cette prose Plebs pistica prome laudes en ligne ce jour.

Télécharger un livret PDF imprimable avec cette séquence de la sainte Tunique.

Qui procedis ab utroque : une séquence parisienne d’Adam de Saint-Victor pour le jeudi de l’octave de la Pentecôte

Alors que dans l’usage de Rome, la prose (ou séquence) Veni, Sancte Spiritus sert pour le jour de la Pentecôte & pour toutes les messes de son octave, l’ancien usage de Paris voyait chacune des messes de l’octave de la Pentecôte s’orner d’une prose différente chaque jour.

Voici comment Paris chantait les proses durant l’octave de la Pentecôte :

  1. Le dimanche de la Pentecôte : Fulgens præclara Paraclyti Sancti,
    subdivision d’une ancienne prose française de Pâques, antérieure à l’an 1000.
  2. Le lundi de la Pentecôte : Sancti Spiritus adsit nobis gratia,
    de Notker le Bègue (c. 840 † 912).
  3. Le mardi de la Pentecôte : Lux jucunda, lux insignis,
    d’Adam de Saint-Victor († 1146).
  4. Le mercredi de la Pentecôte : Simplex in essentia,
    d’Adam de Saint-Victor.
  5. Le jeudi de la Pentecôte : Qui procedis ab utroque,
    d’Adam de Saint-Victor.
  6. Le vendredi de la Pentecôte : Alma chorus Domini,
    composition anonyme française antérieure à l’an 1000.
  7. Le samedi de la Pentecôte : Veni, Sancte Spiritus,
    d’Etienne Langton (c. 1150 † 1228).

Il est notable que trois de ces proses soient des compositions de l’illustre hymnographe Adam, qui avant de finir ses jours dans l’abbaye de Saint-Victor, au pied de la Montagne Sainte-Geneviève, avait surtout été le préchantre de la cathédrale de Paris dès 1107 et jusque vers 1134. Les compositions d’Adam franchirent tôt les frontières du diocèse de Paris et se répandirent très vite dans toute l’Europe latine. Elles présentent toutes un ambitus vocal important, typique de l’école cathédrale de Paris, indice du très haut art vocal qui devait alors régner dans notre cité. De nombreuses proses furent par la suite modelés sur les rythmes & chants d’Adam, celle qui est parvenue jusqu’à nous est bien sûr le Lauda Sion de la Fête-Dieu, modulé par saint Thomas d’Aquin sur le Laudes crucis d’Adam de Saint-Victor.

La prose dont nous choisissons de présenter ici le texte et le chant est celle du jeudi dans l’octave de la Pentecôte : Qui procedis ab utroque, d’Adam de Saint-Victor. Les textes liturgiques à l’Esprit Saint sont devenus au fil du temps relativement rares dans l’Eglise latine. A ce titre il peut être intéressant de redonner vie à cet ancien répertoire hymnographique médiéval de haute qualité tant spirituelle que musicale. Voici du reste ce qu’écrit dom Guéranger, qui cite notre prose dans son Année liturgique :

Ce prince de la poésie liturgique dans l’Occident s’est surpassé lui-même sur les louanges du divin Esprit ; et plus d’une fois dans le cours de l’Octave, nous aurons recours à son magnifique répertoire. Mais ce n’est pas seulement une œuvre de génie que nous allons reproduire ici ; c’est une prière sublime et ardente adressée au Paraclet que Jésus nous a promis et dont nous attendons la venue. Efforçons-nous de faire passer dans nos âmes les sentiments du pieux docteur du XIIe siècle, et aspirons comme lui à la descente du Consolateur qui vient renouveler la face de la terre et habiter en nous.

Voici une restauration du chant et du rythme de la prose Qui procedis ab utroque d’après les plus anciens manuscrits liturgiques parisiens :

Prose Qui procedis ab utroque au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Qui procedis ab utroque au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Qui procedis ab utroque au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Prose Qui procedis ab utroque au Saint-Esprit d'Adam de Saint-Victor

Livret imprimable au format PDF.

Texte & traduction par dom Guéranger :

Qui procédis ab utróque,
Genitóre Genitóque
Páriter, Paraclíte,
O toi qui procèdes
du Père et du Fils,
divin Paraclet,
Redde linguas eloquéntes,
Fac fervéntes in te mentes
Flamma tua divite.
Par ta flamme féconde,
viens rendre éloquent notre organe,
et embraser nos cœurs de tes feux.
Amor Patris Filiíque,
Par ambórum, et utríque
Compar et consímilis,
Amour du Père et du Fils,
l’égal des deux et
leur semblable en essence,
Cuncta reples, cuncta foves :
Astra regis, cœlum moves,
Pérmanens immóbilis.
Tu remplis tout, tu donnes la vie à tout ;
dans ton repos, tu conduis les astres,
tu règles le mouvement des cieux.
Lumen carum, lumen clarum,
Internárum tenebrárum
Effúgas calíginem.
Lumière éblouissante et chérie,
tu dissipes nos ténèbres intérieures ;
ceux qui sont purs,
Per te mundi sunt mundáti :
Tu peccátum, et peccáti
Déstruis rubíginem.
Tu les rends plus purs encore ;
c’est toi qui fais disparaître le péché
et la rouille qu’il apporte avec lui.
Veritátem notam facis :
Et osténdis viam pacis,
Et iter justítiæ.
Tu manifestes la vérité,
tu montres la voie de la paix
et celle de la justice ;
Perversórum corda vitas,
Et bonórum corda ditas
Múnere sciéntiæ.
Tu fuis les cœurs pervers,
et tu combles des trésors de ta science
ceux qui sont droits.
Te docénte nil obscúrum,
Te præsénte nil impúrum :
Sub tua præséntia.
Si tu enseignes, rien ne demeure obscur ;
si tu es présent à l’âme,
rien ne reste impur en elle ;
Gloriátur mens jocúnda :
Per te læta, per te munda
Gaudet consciéntia.
Tu lui apportes la joie et l’allégresse,
et la conscience que tu as purifiée
goûte enfin le bonheur.
Tu commútas eleménta :
Per te suam sacraménta
Habent efficaciam.
Ton pouvoir transforme les éléments ;
par toi les sacrements
obtiennent leur efficacité ;
Tu nocívam vim repéllis :
Tu confútas et reféllis
Hóstium nequítiam.
Tu fais obstacle à la puissance mauvaise,
tu repousses les embûches
de nos ennemis.
Quando venis, corda lenis :
Quando subis, atræ nubis
Effúgit obscúritas.
A ta venue, nos cœurs sont dans le calme ;
à ton entrée, le sombre nuage
se dissipe ;
Sacer ignis, pectus ignis
Non combúris, sed a curis
Purgas quando vísitas.
Feu sacré, tu embrases le cœur
sans le consumer, et ta visite
l’affranchit de ses angoisses.
Mentes prius imperítas,
Et sopítas et oblítas,
Erúdis et éxcitas.
Des âmes jusqu’alors ignorantes,
engourdies et insensibles,
tu les instruis et les ranimes.
Foves linguas, formas sonum :
Cor ad bonum facit pronum,
A te data cháritas.
Inspirée par toi, la langue fait entendre
des accents que tu lui donnes ; la charité que tu apportes avec toi dispose le cœur à tout bien.
O juvámen oppressórum,
O solámen miserórum,
Páuperum refúgium,
Secours des opprimés,
consolation des malheureux,
refuge des pauvres,
Da contémptum terrenórum,
Ad amórem supernórum
Trahe desidérium.
Donne-nous de mépriser les objets terrestres ;
entraîne notre désir
à l’amour des choses célestes.
Consolátor et fundátor,
Habitátor et amátor
Córdium humílium.
Tu consoles et tu affermis
les cœurs humbles ;
tu les habites et tu les aimes ;
Pelle mala, terge sordes :
Et discórdes fac concórdes,
Et affer præsídium.
Expulse tout mal, efface toute souillure,
rétablis la concorde entre ceux qui sont divisés
et apporte-nous ton secours.
Tu qui quondam visitásti,
Docuísti, confortásti
Timéntes discípulos :
Tu visitas un jour
les disciples timides :
par toi ils furent instruits et fortifiés ;
Visitáre nos dignéris :
Nos, si placet, consoléris,
Et credéntes pópulos.
Daigne nous visiter aussi
et répandre ta consolation
sur nous et sur le peuple fidèle.
Par majéstas personárum,
Par potéstas est eárum,
Et commúnis Déitas :
Égale est la majesté des divines personnes,
égale leur puissance ;
commune aux trois est la divinité ;
Tu procédens a duóbus,
Coæquális es ambóbus,
In nullo dispáritas.
Tu procèdes des deux premières,
semblable à l’une et à l’autre,
et rien d’inférieur n’est en toi.
Quia tantus es et talis,
Quantus Pater est et qualis :
Servórum humílitas.
Aussi grand que l’est
le Père lui-même,
souffre que tes humbles serviteurs
Deo Patri, Filióque
Redemptóri, tibi quoque
Laudes reddat débitas. Amen.
Rendent à ce Dieu-Père,
au Fils rédempteur et à toi-même
la louange qui vous est due. Amen.

Cette prose se chantait le jeudi de Pentecôte dans l’usage de Paris, et le mardi de Pentecôte à l’Abbaye de Saint-Victor.

Sources utilisées pour cette édition :
* Source principale : Missel parisien du XIIIème siècle de l’ancienne bibliothèque de Notre-Dame de Paris – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1112, f° 271 v°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage probable de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés ou de Saint-Germain-L’Auxerrois – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 830, f° 318 r°.
* Missel parisien du XIIIème siècle à l’usage de la Sorbonne – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 15615, f° 366 v°.
* A titre de comparaison : Tropaire-prosaire de Saint-Martial de Limoges du XIIème-XIIIème siècle – Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1139, f° 223 v°.
* A titre de comparaison : Processional-tropaire-prosaire à l’usage de Saint-Léonard, du diocèse de Limoges du dernier quard du XIIèmeBibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Latin 1086, f° 63 r°.

Voici ci-après le chant de la prose Qui procedis ab utroque tel qu’il est donné dans le Propre de Paris publié en 1923-1925 – ce chant présente de nombreuses divergences avec les manuscrits parisiens et nous n’avons pas pu identifier la source qui a été utilisée pour cette édition musicale :

 

Qui procedis ab utroque-1 Qui procedis ab utroque-2 Qui procedis ab utroque-3 Qui procedis ab utroque-4 Qui procedis ab utroque-5

Les manuscrits médiévaux parisiens, même s’ils présentent entre eux quelques menues divergences quant au chant (surtout l’ultime formule finale), diffèrent notablement de l’édition parisienne de 1923-1925.
Voici par exemple cette prose telle quelle est notée dans un missel parisien à l’usage de la Sorbonne qui date du XIIIème siècle (Bnf latin 15615, f. 366 v° à 367 v°) :

Missel de la Sorbonne après 1239 (1)

Missel de la Sorbonne après 1239 (2)

Missel de la Sorbonne après 1239 (3)

Une prose à saint Michel par Adam de Saint-Victor – Laus erumpat ex affectu

Laus erumpat ex affectu - Prose de saint Michel d'Adam de Saint-Victor

Cette prose Laus erumpat ex affectu en l’honneur de saint Michel archange fut composée par Adam de Saint-Victor (c. 1112 † c.1146), préchantre de Notre-Dame de Paris. Comme une douzaine d’autres séquences du même auteur, cette prose est établie sur le même type mélodique que sa fameuse séquence Laudes Crucis attollamus, composée pour les fêtes de la Croix. Sur ce même thème fut modulé par la suite au XIIIème siècle la fameuse séquence de la Fête-Dieu, Lauda, Sion, Salvatorem. Dans la partition ci-dessus, les doubles barres marquent l’alternance des chœurs, ceux-ci peuvent se rejoindre pour le dernier vers et l’Amen final.

Cette séquence de saint Michel, née à Paris dans le contexte de la liturgie parisienne, s’est répandue un peu partout dans l’espace de l’ancien empire carolingien au cours du Moyen-Age. En particulier, elle fut en usage au Mont-Saint-Michel depuis le XIIème siècle jusqu’à la Révolution, et dans le diocèse de Coutances, depuis le XIIème siècle jusqu’en 1778, où on lui substitua la moderne Angelorum solemnia, qui lui est inférieure. La prose Laus erumpat ex affectu était utilisée au Mont-Saint-Michel non seulement pour la fête universelle du 29 septembre mais également pour la fête du 16 octobre qui commémore dans les diocèses normands l’apparition de saint Michel Archange au Mont Tombe et la dédicace de la Basilique du Mont-Saint-Michel.

En voici le texte et sa traduction par dom Guéranger :

LAVS erumpat ex affectu,
Psallat chorus in conspectu
Supernorum civium :
Empressée soit la louange ; que notre chœur, du fond de l’âme, chante en présence des citoyens des cieux :
Laus jocunda, laus decora,
Quando laudi concanora
Puritas est cordium.
Agréée sera-t-elle et convenable, cette louange, si la pureté des âmes qui chantent est à l’unisson de la mélodie.
MICHÆLEM cuncti laudent,
Nec ab hujus se defraudent
Diei lætitia :
Que Michaël soit célébré par tous ; que nul ne s’excommunie de la joie de ce jour :
Felix dies qua sanctorum
Recensetur Angelorum
Sollemnis victoria.
Fortuné jour, où des saints Anges est rappelée la solennelle victoire !
DRACO vetus exturbatur
& draconis effugatur
Inimica legio :
L’ancien dragon est chassé, et son odieuse légion mise en fuite avec lui ;
Exturbatus est turbator
& projectus accusator
A cœli fastigio.
Le troubleur est troublé à son tour, l’accusateur est précipité du sommet du ciel.
SVB tutela Michaelis
Pax in terra, pax in cœlis,
Laus & jubilatio :
Sous l’égide de Michel, paix sur la terre, paix dans les cieux, allégresse et louange ;
Cum sit potens hic virtute,
Pro communi stans salute,
Triumphat in prœlio.
Puissant et fort, il s’est levé pour le salut de tous, il sort triomphant du combat.
SVGGESTOR sceleris,
Pulsus a superis,
Per hujus aeris
Oberrat spatia :
Banni des éternelles collines, le conseiller du crime parcours les airs, dressant ses pièges, dardant ses poisons ;
Dolis invigilat,
Virus insibilat,
Sed hunc adnihilat
Presens custodia.
Mais les Anges qui nous gardent réduisent à néant ses embûches.
TRES distinctæ hierarchiæ
Jugi vacant theoriæ
Jugique psallentio :
Leurs trois distinctes hiérarchies sans cesse contemplent Dieu et sans cesse le célèbrent en leurs chants ;
Nec obsistit theoria
Sive jugis harmonia
Jugi ministerio.
Ni cette contemplation, ni cette perpétuelle harmonie ne font tort à leur incessant ministère.
O quam miræ caritatis
Est supernæ civitatis
Ter terna distinctio :
O combien admirable est dans la céleste cité la charité des neufs chœurs !
Quæ nos amat & tuetur,
Vt ex nobis restauretur
Ejus diminutio.
Ils nous aiment et ils nous défendent, comme destinés à remplir leurs vides.
SICVT sunt hominum
Diversæ gratiæ,
Sic erunt ordinum
Distincte gloriæ
Iustis in præmio ;
Entre les hommes, diverse est la grâce ici-bas ; entre les justes, divers seront les ordres dans la gloire au jour de la récompense.
Solis est alia
Quam lunæ dignitas,
Stellarum varia
Relucet claritas :
Sic resurrectio.
Autre est la beauté du soleil, autre celle de la lune ; et les étoiles diffèrent en leur clarté : ainsi sera la résurrection.
VETVS homo novitati,
Se terrenus puritati
Conformet cœlestium :
Que le vieil homme se renouvelle, que terrestre il s’adapte à la pureté des habitants des cieux :
Coæqualis his futurus,
Licet nondum plene purus,
Spe præsumat præmium.
Il doit leur être égal un jour ; bien que non pleinement pur encore, qu’il envisage ce qui l’attend.
VT ab ipsis adjuvemur
Hos devote veneremur,
Instantes obsequio :
Pour mériter le secours de ces glorieux esprits, vénérons-les dévotement, multipliant envers eux nos hommages ;
Deo nos conciliat
Angelisque sociat
Sincera devotio.
Un culte sincère rend Dieu favorable et associe aux Anges.
DE secretis reticentes
Interim cœlestibus,
Erigamus puras mentes
In cœlum cum manibus :
Taisons-nous des secrets du ciel, en haut cependant élevons et nos mains et nos âmes purifiées :
Vt superna nos dignetur
Cohæredes curia,
& divina collaudetur
Ab utriusque gratia.
Ainsi daigne l’auguste sénat voir en nous ses cohéritiers ; ainsi puisse la divine grâce être célébrée par le concert de l’angélique et de l’humaine nature.
CAPITI sit gloria
Membrisque concordia. Amen.
Au Chef soit la gloire, aux membres l’harmonie ! Amen.

La partition donnée ci-dessus au début de cet article est issue du répertoire de l’Abbaye de la Lucerne-d’Outremer où le valeureux Abbé Lelégard (1925 † 1994) faisait naguère revivre les antiques traditions du diocèse de Coutances.

En voici une partition médiévale, extraite du fameux Prosaire de la Sainte-Chapelle de Paris, manuscrit daté des environs de 1250 et conservé à la bibliothèque du chapitre de Saint-Nicolas de Bari, édité par dom Hesbert en 1952 (pages 228 à 231).

Jerusalem et Sion filiæ – Prose parisienne de la Dédicace – Offices notés complets de Paris – 1899

Cette prose est due au célèbre hymnographe parisien Adam de Saint-Victor (c. 1112 † c. 1192), préchantre de la cathédrale de Paris, principal auteur du répertoire parisien des séquences dont il a renouvelé le genre en leur conférant une ampleur musicale et une richesse spirituelle par les images théologiques abordées. Ce répertoire victorin s’est très vite diffusé dans toute l’Europe Occidentale, on en chantait les séquences dès le XIIIème siècle à Palerme, Zagreb, Aix-la-Chapelle ou Dublin. Les livres parisiens modernes contiennent deux chants pour cette prose, celui d’Adam de Saint-Victor, et celui recomposé au XVIIIème siècle par l’Abbé d’Haudimont, maître de chapelle de la cathédrale de Châlons-sur-Saône puis de Notre-Dame de Paris et de Saint-Germain L’Auxerrois (avant 1790). La mélodie d’Haudimont, quoique récente, est, avouons-le d’une grande réussite musicale et fut immédiatement très populaire à Paris. Elle figure sur l’enregistrement historique “Grandes heures liturgiques à Notre-Dame de Paris”, sous la direction de Mgr Revert, maître de chapelle de Notre-Dame, où l’on peut entendre le contre-chant des voix de dessus sur le dernier vers de chaque strophe, contre-chant devenu traditionnel à Paris.

La prose de la dédicace chantée par la Schola Sainte Cécile à Notre-Dame de Paris le 29 mai 2013 :

Comme l’admirable poésie d’Adam de Saint-Victor recèle de vrais trésors théologiques par la vision de l’Eglise qui y est développée, nous en donnons une traduction française tirée du Missel parisien de Mgr de Vintimille du Luc à l’usage des laïcs de 1738.

JERUSALEM et Sion fíliæ,
Cœtus omnis fidélis cúriæ,
Melos pangant jugis lætítiæ.
Allelúia.
Filles de Jérusalem et de Sion, saints habitants des demeures célestes, chantez de concert un cantique de joie. Alléluia.
CHRISTUS enim norma justítiæ
Matrem nostram despónsat hódie,
Quam de lacu traxit misériæ
Ecclésiam.
C’est en ce jour que Jésus-Christ, le modèle de toute justice, prend pour épouse l’Eglise notre mère, qu’il a tirée de l’abîme de misère où elle était plongée.
HANC sánguinis et aquæ múnere,
Dum pénderet in crucis árbore,
De próprio prodúxit látere
Deus homo.
C’est du côté ouvert de l’Homme-Dieu attaché sur la Croix qu’elle est sortie ; le sang précieux, & l’eau mystérieuse qui coulèrent de cette source sacrée, lui furent donnés alors pour la laver et la sanctifier.
FORMARETUR ut sic Ecclésia,
Figurátur in prima fémina,
Quæ de costis Adæ est édita
Mater Eva.
La formation de l’Eglise par Jésus-Christ avait été figurée par celle d’Eve, cette mère commune du genre humain, qui fut tirée d’une des côtes d’Adam notre premier père.
EVA fuit novérca pósteris ;
Hæc est mater elécti géneris,
Vitæ portus, ásylum míseris,
Et tutéla.
Eve a donné la mort à ses enfants ; mais l’Eglise est une mère qui donne la vie aux siens : elle est pour eux un port de salut : elle est leur asile, et leur solide appui.
HÆC est cymba qua tuti véhimur ;
Hoc ovíle quo tecti cóndimur ;
Hæc cólumna, qua firmi nítimur
Veritátis.
Elle est cette barque sur laquelle nous voguons sûrement à travers les écueils du siècle ; cette bergerie où nous sommes à l’abri des attaques de l’ennemi : elle est la colonne de vérité, sur laquelle nous sommes appuyés comme sur un fondement inébranlable.
O sólemnis festum lætítiæ,
Quo únitur Christus Ecclésiæ,
In quo nostræ salútis núptiæ
Celebrántur.
Quelle doit être notre joie et notre reconnaissance dans cette auguste solennité, où nous célébrons l’union de Jésus-Christ avec son Eglise, union sainte par laquelle s’opère le grand ouvrage de notre salut !
JUSTIS inde solvúntur præmia,
Lapsis autem donátur vénia,
Et sanctórum augéntur gáudia
Angelórum.
Par cette union mystérieuse les justes entrent en possession des récompenses éternelles, les pécheurs obtiennent le pardon de leurs crimes, les Anges même sentent augmenter leur joie.
AB æterno fons sapiéntiæ,
Intúitu solíus grátiæ,
Sic prævídit in rerum série
Hæc futúra.
Ces merveilles sont l’effet de la sagesse suprême de Dieu, qui par le seul motif de sa miséricorde, en a prévu l’accomplissement de toute éternité.
CHRISTUS jungens nos suis núptiis,
Recréatos veris delíciis,
Intéresse fáciat gáudiis
Electórum. Amen.
Que Jésus-Christ notre Sauveur, dont nous devenons les enfants par l’union qu’il contracte avec l’Eglise notre mère, nous fasse goûter les vraies délices, et participer dans le ciel aux joies éternelles des Elus. Amen.

>>> MP3 de cette prose par la Schola Sainte Cécile lors de la messe en rit traditionnel du 17 juin 2008 (enregistrement pris par un fidèle assez loin depuis la nef).